En
effet, il y a un cas avéré de consanguinité, éventuellement un
deuxième (mais Michel Surya, dans sa biographie, considère cela
douteux et penche plutôt pour une simple homonymie). Mais ce qui
très certainement a pesé le plus lourdement est la maladie du
père ; le fait que Georges Bataille ait été conçu par un
père déjà fortement atteint par la syphilis ne pouvait en effet
que laisser craindre le pire.
Le
plus étonnant dans ce refus est que Georges donne raison aux parents
de Marie et se range de leur avis. Il s’attriste, se désespère
même (« je me serais tué assez
volontiers » avoue-t-il dans sa lettre du 29 octobre
1919) mais il ne se révolte ni ne s’indigne. Il s’en étonne
encore moins : il sait en effet « ce
que son mariage peut avoir d’inconvénients, c'est-à-dire que
peut-être, il a plus qu’un autre des chances d’avoir un enfant
malsain ; et [il] trouve assez juste qu’on l’écarte »
seulement, reproche-t-il, « il fallait le
faire un peu plus tôt », avant que les deux enfants ne
se lient ensemble par un amour réciproque et nourri par l’espoir
d’une union autorisée et possible.
Cette
union avec Marie Delteil était à plus d’un titre importante pour
Georges Bataille. Déjà parce qu’il l’aimait. Mais plus
important parce qu’en été 1919, ayant vu l’échec de ses
espoirs religieux et ne pouvant se résoudre à une vie tout à fait
profane, il voyait en cette union avec la sœur de son ami une voie
médiane qui lui aurait permis de vivre malgré tout selon ses
principes religieux. La dernière qui lui permettait encore de se
raccrocher à son désir de vie pieuse. Il annonce ce projet de
mariage comme un « tiède idéal de vie
familiale—chrétienne certes—mais encore pleine de jouissances
terrestres aussi médiocres qu’honnêtes » dans sa
lettre du 10 janvier 1918. On sait que Bataille déjà à l’époque
a un caractère absolu, et qu’il ne supporte ni ce qui est tiède,
ni ce qui ressemble de près ou de loin à un compromis avec ses
aspirations les plus hautes. Il ne se plie à cette conciliation
pleine de promesses que contraint par la force des choses et par la
« faiblesse de son caractère »
qui lui fermait les portes de la vie monacale.
En
effet, incapable de se libérer entièrement des désirs de la chair
qui le préoccupaient et l’angoissaient, mais en même temps
incapable d’y souscrire et de les accepter platement comme simple
dimension banale de l’existence terrestre, il voyait dans ce projet
de mariage une échappatoire vers laquelle il pouvait tendre toute sa
volonté. Cette union lui promettait d’une part de sauver à ses
yeux une croyance religieuse qui, on peut le croire, était fortement
ébranlée depuis son séminaire à la Barde, et de l’autre de le
prévenir de tomber à nouveau par lâcheté dans les faiblesses du
corps et de ses plaisirs fades. C’était, on le voit, un idéal
compensatoire qui l’aurait consolé de l’ancien, seul vrai, dont
il aurait su se contenter, et dont l’échec, s’ajoutant aux
autres, a très certainement joué son rôle dans le changement
d’attitude qui sera le sien à son retour d’Espagne.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire