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lundi 8 avril 2013

La mobilisation



« je n’ai jamais cessé d’être obsédé par une seule guerre. Pendant de longues années de jeunesse—de dix-sept à vingt et un ans—cette guerre inexorable était devenue pour moi l’unique horizon possible, un horizon irrémédiablement fermé. Le sort ne fit de moi—à dix-huit ans—qu’un soldat malade, imaginant chaque jour, au milieu de blessés et de malades plus vieux, l’enfer auquel il demeurait promis. »

Georges Bataille, Tome VII, pp 523, 524. Notes à La Limite de L’utile


La Mobilisation

En janvier 1916, année de ses 18 ans, il est mobilisé ; mais il ne participera jamais à la guerre.
Les informations dont on dispose concernant cette période sont lacunaires pour l'essentiel et contradictoires dans les détails. On a quelques certitudes pourtant ; le reste, nous le savons à partir de quelques rares textes que Bataille écrivit à propos de l'expérience qu'il fit de sa mobilisation.

Victime d’une maladie pulmonaire qui se manifesta là pour la première fois et le poursuivra toute sa vie, il passe tout le temps de sa mobilisation dans un hôpital militaire, au milieu des blessés et des mutilés de guerre. Il apprendra, auprès de ces militaires, dans ce lieu sordide, poussé par le sentiment d’une « apocalypse lointaine dans laquelle ils sont enfermés », l’ironie. « Cette misère m’appris l’ironie exorbitante, le non sens aveuglant : la brèche ouvrait l’accès à la sauvagerie morale, à l’apothéose », écrira-t-il au cours de la seconde guerre mondiale, rédigeant les fragments retirés de La Part Maudite qui allaient être réunis après sa mort sous le titre La Limite de L’utile.
Il écrit à cette époque des notes pour un livre, qu’il intitule Ave Caesar, mais il les brûlera toutes, comme nombre de ses écrits de jeunesse.

Il sera rendu à la vie civile en janvier 1917. Il retournera dans sa famille à Riom-ès-Montagnes, loin des conflits. Il y chassera au fusil, pêchera à mains nues, selon les dires de son ami d'enfance, Joseph Delteil dans l'article qu'il livre à la revue Critique en 1963, pour le numéro « Hommage à Georges Bataille ». Sans doute peut-on y voir là, d'un point de vue purement bataillien, un ensemble de pratiques glorieuses destinées à compenser l’occasion manquée de participer à la guerre. Certes il avouera n’avoir jamais chercher à participer aux conflits, mais il n’est pas impossible qu’échappant au front, il eut le sentiment d’échapper à son destin, et qu’il ait voulu compenser cela en manifestant dans la chasse et la pêche cet excès de force, cette vigueur qui lui avaient manquées au moment le plus important. Encore que cette interprétation est d'une parfaite et entière gratuité. À défaut de pouvoir lui attribuer une conscience transparente aussi aiguë dès 1916, reste l'étonnement face à ces pratiques, cette démonstration de force qui ne manque pas de se gonfler d'un sens précis pour peu qu'on les observe sous la lunette des théories ultérieures de l'auteur.



Sources
Michel Surya : la Mort à l’œuvre.
Georges Bataille : Œuvres Complètes, tome VII
Critique,
n°195-196, 1963

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