« je n’ai jamais cessé d’être obsédé par une seule guerre. Pendant de longues années de jeunesse—de dix-sept à vingt et un ans—cette guerre inexorable était devenue pour moi l’unique horizon possible, un horizon irrémédiablement fermé. Le sort ne fit de moi—à dix-huit ans—qu’un soldat malade, imaginant chaque jour, au milieu de blessés et de malades plus vieux, l’enfer auquel il demeurait promis. »
Georges Bataille, Tome VII, pp 523, 524. Notes à La Limite de L’utile
La
Mobilisation
En
janvier 1916, année de ses 18 ans, il est mobilisé ; mais il
ne participera jamais à la guerre.
Les
informations dont on dispose concernant cette période sont
lacunaires pour l'essentiel et contradictoires dans les détails. On
a quelques certitudes pourtant ; le reste, nous le savons à
partir de quelques rares textes que Bataille écrivit à propos de
l'expérience qu'il fit de sa mobilisation.
Victime
d’une maladie pulmonaire qui se manifesta là pour la première
fois et le poursuivra toute sa vie, il passe tout le temps de sa
mobilisation dans un hôpital militaire, au milieu des blessés et
des mutilés de guerre. Il apprendra, auprès de ces militaires, dans
ce lieu sordide, poussé par le sentiment d’une « apocalypse
lointaine dans laquelle ils sont enfermés »,
l’ironie. « Cette
misère m’appris l’ironie exorbitante, le non sens aveuglant :
la brèche ouvrait l’accès à la sauvagerie morale, à
l’apothéose »,
écrira-t-il au cours de la seconde guerre mondiale, rédigeant les
fragments retirés de La
Part Maudite
qui allaient être réunis après sa mort sous le titre La
Limite de
L’utile.
Il
écrit à cette époque des notes pour un livre, qu’il intitule Ave
Caesar, mais il les
brûlera toutes, comme nombre de ses écrits de jeunesse.
Il
sera rendu à la vie civile en janvier 1917. Il retournera dans sa
famille à Riom-ès-Montagnes, loin des conflits. Il y chassera au
fusil, pêchera à mains nues, selon les dires de son ami d'enfance,
Joseph Delteil dans l'article qu'il livre à la revue Critique en
1963, pour le numéro « Hommage à Georges Bataille ».
Sans doute peut-on y voir là, d'un point de vue purement bataillien,
un ensemble de pratiques glorieuses destinées à compenser
l’occasion manquée de participer à la guerre. Certes il avouera
n’avoir jamais chercher à participer aux conflits, mais il n’est
pas impossible qu’échappant au front, il eut le sentiment
d’échapper à son destin, et qu’il ait voulu compenser cela en
manifestant dans la chasse et la pêche cet excès de force, cette
vigueur qui lui avaient manquées au moment le plus important. Encore
que cette interprétation est d'une parfaite et entière gratuité. À
défaut de pouvoir lui attribuer une conscience transparente aussi
aiguë dès 1916, reste l'étonnement face à ces pratiques, cette
démonstration de force qui ne manque pas de se gonfler d'un sens
précis pour peu qu'on les observe sous la lunette des théories
ultérieures de l'auteur.
Sources
Michel
Surya : la Mort à l’œuvre.
Georges Bataille : Œuvres Complètes, tome VII
Critique, n°195-196, 1963
Georges Bataille : Œuvres Complètes, tome VII
Critique, n°195-196, 1963
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